Les hommes-fleur des Mentawaï
C'est une rencontre exceptionnelle, loin, très loin des villages modernes avec une famille Mentawaï. On est en avril 2009, il fait très chaud à Pulau Siberut, une île au large de Sumatra en Indonésie. Après avoir pris quelques ravitaillements et cadeaux (du sucre et du tabac à rouler notamment) dans le petit village de Muarasiberut au sud-est de l'île, nous remontons la rivière Sungai Siberut en pirogue à moteur. Après une heure de navigation sinueuse, nous arrivons dans un bras de rivière chez Aman, un homme-fleur qui nous accueil pour deux jours dans sa uma. Une maison collective ou toute la famille vit ensemble.
Nous avons longuement discuté lors de la soirée avec Aman qui ne parlait ni Anglais ni très bien Malais ou Javanais; sa langue est la langue locale aux Mentawaï, une langue Sumatrienne, mélange de Malais et de Polynésien. Au début, un guide local servait d’interprète; puis au fil de l'eau, nous sommes arrivé à établir progressivement son arbre généalogique (parents, fils, frère, sœurs, etc.). C'était très intéressant de voir se dessiner progressivement sur papier sa famille et ainsi pouvoir connaître les noms de toutes les personnes de sa famille présentes.
La nuit tombée et après un repas à base de manioc et de riz, arrangé de quelques pousses de bambou grillé, nous nous endormons sur des nattes à même le sol. Le réveil matinal fut épique; nous autres occidentaux n'avons pas l'habitude de nous faire réveiller par le cris d'un cochon que l'on égorge! C'est un grand honneur pour des invités de pouvoir manger de la viande et Aman, ses frères et toute sa famille nous honorent en partageant avec nous ce véritable festin.
A la demande de Jimmy, Aman a sorti ses ustensiles de tatouage. Le tatouage chez les Mentawaï est très important et les anciens sont tous tatoués de la tête aux pieds. Ils signifient à la fois leur croyances (c'est un peuple animiste), leur appartenance à un clan ou à une famille mais c'est aussi une façon de se vêtir. Les tatouages d'Aman et de son père sont impressionnants. C'est souvent à ces tatouages que les Mentawaï sont identifiés quand ils descendent dans les villages. Jimmy a laissé Aman décider du tatouage qu'il allait lui faire. Un peu comme les guides spirituels Maori. Aman a choisi une barque, symbolisée par une croix et quatre points, sur son épaule. Le matériel était une simple aiguille à nourrice au bout d'un petit bâton; trempée dans un colorant fait à base de canne à sucre et de cendre mélangée.
L'après-midi fut une balade en forêt guidée par Aman. Pied nu dans la jungle, il nous a fait part de ses chasses, de l'époque où il partait avec son père tuer le singe dans la forêt. Aujourd'hui, l'état Indonésien a rendu ce peuple nomade sédentaire et le peuple Mentawaï disparaît progressivement, les jeunes quittant la forêt pour les villes et la civilisation. Il reste quelques familles dans le nord de Pualu Siberut, coupées de la civilisation; mais elles sont rares et très difficile d'accès; plusieurs jours de marche sont nécessaire... ce qui également permet de les protéger.
Une rencontre intense qui restera dans nos mémoires.